|
|
La double signature des clauses abusives en droit italien
Dans les contrats établis au moyen de conditions générales, l’article 1341 du Code civil italien soumet la validité de certaines clauses à l’exigence d’une « double signature », véritable particularité du droit italien.
Cette disposition a notamment vocation à s’appliquer aux contrats d’adhésion, préétablis et imposés unilatéralement par l’une des parties en vue de régir de manière uniforme un nombre indéterminé de relations contractuelles.
L’article 1341 est plus précisément divisé en deux parties :
C’est ce second alinéa qui retiendra ici notre attention.
Sont considérées comme étant abusives les clauses suivantes :
Cette liste de clauses abusives est exhaustive et ne peut faire l’objet d’une interprétation extensive.
S’agissant du mode d’approbation requis par l’art. 1341 alinéa 2, un contrat d’adhésion comportant des clauses abusives doit être signé deux fois. La seconde signature est généralement apposée à la fin du contrat, en référence aux numéros des articles nécessitant une acceptation expresse. Cette pratique est admise par la jurisprudence, à condition que chaque numéro soit accompagné d’une indication, même sommaire, du contenu de la clause (Cass. civ. 2018, n°17939). Par exemple : « article 4 (clause limitative de responsabilité), article 6 (clause compromissoire) ».
Il convient de préciser qu’une clause abusive ayant fait l’objet de négociations spécifiques entre les parties n’est plus soumise à l'exigence de l’approbation expresse visée à l’article 1341 alinéa 2. Cette obligation persiste toutefois pour toutes les autres clauses abusives auxquelles le cocontractant a simplement adhéré sans discussion, et ce même si d'autres articles du contrat ont été négociés (Cass. civ. Sez. I, 15/06/1979, n°3373).
L’application de ces principes au commerce électronique soulève toutefois quelques interrogations. Tandis que la connaissance des conditions générales – conformément au premier alinéa de l’article 1341 – peut être assurée par un simple renvoi via un lien hypertexte, la double signature prévue au second alinéa peut être plus délicate en ligne. Après quelques oscillations des juges du fond (v. par exemple : Tribunal Catanzaro, 30/04/2012) et à la lumière de la jurisprudence européenne (CJUE, arrêt du 21/05/2015 rendu dans l’affaire C-322/14), il ne fait désormais plus aucun doute que la pratique du point and click – consistant en un « clic » sur un bouton de validation – constitue acceptation écrite aux termes de l’article 1341 alinéa 2 (Cass. civ. Sez. Un. 13/02/2020 n°3561 ; Cass. civ. Sez. Un. 19/09/2017 n°21622). S’agissant de l’approbation spécifique des clauses abusives, les juges italiens rappellent régulièrement qu’un simple « clic » sur le bouton destiné à l’acceptation des conditions générales dans leur ensemble n’est pas suffisant en ce qu’il ne permet pas de garantir que l’attention de la partie cocontractante soit effectivement portée sur les clauses qui lui sont défavorables (Tribunal Reggio Emilia, Sez. II, 24/04/2018 n°623 ; Giudice di Pace di Milano, Sez. VI, 28/01/2019 n°1047). Il semble donc opportun pour les sites d’e-commerce de prédisposer deux formulaires distincts : un premier pour l’acceptation des conditions générales, et un second se référant spécifiquement aux clauses abusives, en vue de leur acceptation séparée.
En cas de signature électronique d’un contrat envoyé par email il convient de privilégier un format permettant d’apposer physiquement plusieurs signatures à des emplacements précis du document (format PAdES, par exemple).
Il faut cependant souligner que ces règles ne valent qu’entre professionnels (B2B) et non face à des consommateurs (B2C), pour qui les clauses abusives sont par principe inefficaces, qu’elles aient fait l’objet d’une double approbation ou non (articles 33 et 36 du Code italien de la consommation).
Quid de l’application des exigences posées par l’article 1341 du Code civil italien en dehors du territoire italien ? Au plan international, le principe de liberté des formes du contrat de vente internationale consacré à l'article 11 de la CISG [1] semble s’imposer en tant que lex specialis et ainsi exclure l’application de l'article 1341 du Code civil italien. Néanmoins, ce dernier peut s’appliquer en cas de contrat régi par la loi italienne et dont les parties auraient expressément écarté l’application de la CISG.
Pour plus d’information sur le régime de la double signature et sur son champ d’application, contactez-nous à l’adresse mail suivante : [email protected].
Jeanne Deniau
Marco Amorese