Transposée en France en décembre 2021 (ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021), la directive européenne 2019/2161 visant à moderniser et renforcer la protection des consommateurs (ci-après « Directive Omnibus ») a mis plus de temps à s’insérer dans l’ordonnancement italien. C’est finalement en mars 2023 (avec le D.Lgs n° 26 du 7 mars 2023), après avoir été soumise par la Commission européenne à une procédure d’infraction, que l’Italie s’est conformée au droit communautaire.

Ladite directive introduit notamment l’obligation pour les professionnels d’afficher un prix de référence dans leurs annonces de réduction de prix. À cet égard, l’article 2 de la directive (modifiant l’article 6 bis de la directive 98/6/CE) est assez souple et laisse plusieurs éléments à la discrétion des États. Il apparait par conséquent opportun pour tout professionnel proposant ses produits au-delà des frontières nationales (phénomène encore plus courant grâce au commerce en ligne) de se pencher sur les choix effectués par les autres législateurs nationaux.

  • Application au commerce en ligne des dispositions relatives aux annonces de réduction de prix

La vente transfrontalière se faisant désormais majoritairement par le biais d’Internet, s’est posée la question de l’application des règles susmentionnées au commerce en ligne. La réponse n’est pas évidente à première vue, puisque les dispositions relatives aux annonces de réduction de prix modifient la directive 98/6/CE, qui est antérieure à la directive 2000/31/CE relative au commerce en électronique. Toutefois, le considérant 11 de la directive 2000/31/CE énonce que « la présente directive est sans préjudice du niveau de protection des consommateurs […] établi par les instruments communautaires ». Elle précise notamment que la directive 98/6/CE fait, entres autres, partie de « l’acquis communautaire […] fondamental pour la protection des consommateurs en matière contractuelle » et s’applique à ce titre également au commerce en ligne. Il en ressort que les dispositions relatives à l’indication d’un prix de référence contenues dans la directive 98/6/CE, modifiée par la Directive Omnibus, ont également vocation à s’appliquer au professionnel proposant ses produits en ligne.

La Directive Omnibus préconise d’ailleurs elle-même – s’agissant des places de marché en ligne – « la nécessité d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs » (considérant 29). De surcroît, le considérant 27 impose au fournisseur de la place de marché en ligne d’informer les consommateurs de l’inapplicabilité des droits européens de la consommation lorsque le tiers qui propose des biens ou des services en ligne n’est pas un professionnel. A contrario, les protections des consommateurs, y compris celles relatives à l’indication du prix de référence, trouvent application lorsque la personne qui vend ses biens en ligne est un professionnel.

Cela a été confirmé en France le 11 juillet dernier, date à laquelle la DGCCRF a condamné à une amende de 600 000€ le site de ventes privées en ligne « showroomprivé » pour avoir affiché des prix de référence trompeurs.

 

  • La récente transposition italienne de la Directive Omnibus : quelques subtiles différences avec l’encadrement français 

Les annonces de réduction de prix sont régies par l’article 17-bis du Code italien de la consommation et l’article L112-1-1 du Code français de la consommation. Conformément à la directive, l’article 17-bis du Code italien de la consommation impose au professionnel d’indiquer, dans le cadre d’une campagne promotionnelle, le prix le plus bas pratiqué au cours des trente jours précédant la réduction (alinéas 1 et 2 de ladite disposition). Le procédé est le même pour l’identification du « prix de vente habituel » sur la base duquel la réduction est effectuée dans le cadre d’une « vente extraordinaire », telle qu’une liquidation ou vente de fin de saison (alinéa 6). L’alinéa 4 règle quant à lui la question des produits mis en vente depuis moins de trente jours : le professionnel est tenu d’indiquer d’une part la période de référence et d’autre part le prix le plus bas pratiqué pendant cette période. Enfin, en cas de réduction de prix progressivement augmentée au cours d’une même campagne, le prix de référence reste le prix pratiqué avant la première réduction, comme schématisé ci-dessous : 

Dans cet exemple, le prix le plus bas pratiqué au cours des trente derniers jours est techniquement de 10€, c’est-à-dire le prix pratiqué au cours de la première réduction. Toutefois, l’article 17-bis alinéa 5 du Code italien de la consommation permet de laisser le premier prix de référence, c’est-à-dire 20€, à condition que la deuxième réduction ait lieu au cours de la même campagne.

En reprenant les possibilités offertes par la Directive Omnibus, la législation italienne ne présente pas de grandes différences par rapport aux règles françaises.

En revanche, une attention particulière doit être portée aux dérogations admises. En vertu de l’article L112-1-1 du Code français de la consommation, l’obligation d’indiquer le prix de référence ne s’applique pas « aux annonces de réduction de prix portant sur des produits périssables menacés d’une altération rapide » (alinéa 4). L’article 17-bis du Code italien de la consommation est quant à lui plus précis, et accorde cette dérogation à un plus large éventail d’hypothèses :

        – Les produits agricoles et alimentaires périssables (alinéa 3) ;

        – Les prix dits « de lancement », c’est-à-dire des prix qui seront par la suite augmentés (alinéa 4) ;

        – Les ventes à perte (alinéa 6).

  • Annonces de réduction de prix non conformes : sanctions applicables en Italie et en France

Le non-respect des règles fixées à l’article 17-bis du Code italien de la consommation est passible d’une amende comprise entre 516 € à 3 098 € (alinéa 7) en fonction de : la nature, la gravité et la durée de la violation ; le comportement du professionnel (actions visant à atténuer le préjudice subi par le consommateur, violations antérieures) ; les avantages tirés de la violation ; et les éventuelles sanctions imposées au professionnel dans d’autres États membres.

Toutefois, les décisions prises par l’AGCM (Autorité de la concurrence italienne) peu de temps avant l’entrée en vigueur du nouvel article 17 bis posent question quant à un éventuel chevauchement du nouveau dispositif avec le régime plus général applicable aux pratiques commerciales déloyales. En effet, dans deux affaires récentes (Conforama et Kasanova, ayant toutes les deux fait l’objet d’une décision du 17 janvier 2023 dans laquelle l’AGCM a finalement accepté leurs engagements), l’Autorité de concurrence a analysé la « manipulation du prix de référence pour le calcul de la remise et du montant réel de la remise pratique » sous le prisme des pratiques trompeuses telles que définies à l’article 21 alinéa 1, d). En vertu de cette disposition, restée inchangée malgré l’introduction de règles spéciales en matière d’annonces de réduction de prix, est considérée comme trompeuse toute pratique commerciale susceptible d’induire en erreur le consommateur à travers de fausses informations sur le prix, sur la manière dont le prix est calculé, ou encore sur l’existence d’un avantage spécifique. L’auteur d’un tel comportement encourt, conformément à l’article 27, alinéas 9 et 9 bis du Code italien de la consommation, une amende comprise entre 5 000 et 10 000 000€ (dans la limite de 4% du chiffre d’affaires annuel réalisé par le professionnel en Italie ou dans les États membres affectés par l’infraction).

La question se pose donc de savoir si une application cumulative des sanctions prévues pour la violation des règles nouvellement introduites et celles punissant les pratiques trompeuses est envisageable.  En vertu de l’adage specialia generalibus derogant il apparaît opportun de retenir que seule la nouvelle disposition – comportant une sanction moins grave – est applicable lorsque le comportement s’inscrit dans la définition plus spécifique de l’article 17 bis. Cela suppose évidemment une analyse au cas par cas du comportement sanctionné.

Côté français, faute de sanction autonome prévue par l’article L112-1-1 du Code de la consommation, le non-respect des règles relatives aux annonces de réduction de prix semble tomber sous le coup des pratiques commerciales trompeuses. À cet égard, l’article L121-2 alinéa 1, c) définit comme trompeuse toute pratique commerciale reposant sur des indications fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur « le prix ou le mode de calcul du prix [et] le caractère promotionnel du prix, notamment les réductions de prix au sens de l’article L112-1-1 ». Il en ressort qu’une annonce de réduction de prix non conforme à l’article L112-1-1 ne serait pas punissable per se, mais seulement dans le cas où elle constituerait une pratique commerciale trompeuse. N’étant pas présumée comme tel (à la différence des pratiques listées à l’article L121-4 qui sont elles réputées trompeuses), il faudrait alors apprécier au cas par cas si l’absence de prix de référence ou la mention d’un prix de référence erroné était effectivement de nature à altérer le comportement du consommateur moyen, qui n’aurait pas acheté le produit s’il avait été correctement informé. Une réduction de prix non conforme à l’article L112-1-1 mais ne constituant pas pour autant une pratique commerciale trompeuse échapperait donc à toute sanction, suscitant certaines inquiétudes quant à la conformité avec la Directive Omnibus, qui exige des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives » … L’absence de gradualité des sanctions est regrettable et apparaît peu conforme au principe de proportionnalité. En effet, la sanction applicable à une réduction de prix non conforme qui intègrerait une pratique commerciale trompeuse est punie de 2 ans d’emprisonnement et 300 000€ d’amende – montant pouvant être porté à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel ou à 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité (article L132-2 du Code de la consommation).

Problématique, cette interprétation est pourtant celle retenue par la DGCCRF dans l’affaire « showroomprivé », où l’affichage de prix de référence trompeurs a été sanctionné sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses.

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Jeanne Deniau

Marco Amorese